Aminiel Dalvanbon ou le désespoir conservateur

Il y a deux ans, déjà, Aminiel Dalvanbon, sénateur sortant de son état, avait fait campagne à Ecosient. En tant que négociant en gros du port, il avait énormément souffert du Grand Hiver et, sur les plus de 200 salariés sous ses ordres, avait dû en licencier plus de la moitié. De fait, sa popularité en avait été beaucoup affectée. Cela se ressentait depuis qu'il arpentait les rues d'Ecosient en tant que numéro 2 sur la liste du Rassemblement conservateur dans la circonscription de la préfecture d'Ecosient. De fait, la campagne était bien plus délicate et les sifflets, huées et quolibets étaient nombreux lorsqu'il faisait des visites ou arpentait les marchés avec des tracts et des soutiens. À dire vrai, on pouvait même affirmer que la campagne tournait au fiasco.

Mais ce n'était pas tant l'Unimod, cette fois, qui pilait le Rasscon, mais le Parti progressiste. Celui-ci progressait visiblement partout dans l'Empire, mais c'était d'autant plus marqué dans les grands centres urbains comme Ecosient. C'était pourtant un siège historique des modérés ! Alors, afin de mobiliser son électorat, Dalvanbon avait décider d'organiser une réunion électorale en lisière des faubourgs d'Ecosient, là où près de 10 000 personnes s'étaient rassemblées il y a deux ans. Mais cette fois-ci, le compte n'y était pas. À peine 2 000 personnes étaient présentes et c'est donc plus inquiet quant à l'issue de la campagne qu'il aborda cette réunion. Il n'en devait pas moins accomplir son devoir, c'est-à-dire présenter la profession de foi du Rassemblement conservateur pour tenter de convaincre les électeurs de voter pour sa liste. Montant sur l’estrade, il ajusta sa veste de costume et prit la parole :

- Mes chers compatriotes, peuple de Belondor, nous sommes réunis, ensemble, pour soutenir Sa Majesté, lui montrer que nous l'aimons et que jamais ! Ô grand jamais ! Nous ne nous opposerons à elle, que nous sommes trop bien conscients de ses bienfaits. Nous aimons notre patrie, nous aimons l'Empire, nous aimons nos familles, nous aimons notre Sainte mère l'Église, nous aimons notre culture. Nous aimons notre Empereur ! Plus que jamais, alors que nous sortons d'une grave crise et que celle-ci nous fait encore souffrir, nous devons être soudés derrière Sa Majesté impériale !

La foule applaudissait mollement. Le discours était sensiblement le même qu'il y a deux ans mais semblait faire bien moins d'effet. Néanmoins, il poursuivit de plus belle afin d'emporter l'adhésion de l'auditoire par un prêche enflammé :

- Mes chers compatriotes, peuple de Belondor ! Nous laisserons-nous voler notre identité ? Jamais ! Nous laisserons-nous voler notre culture ? Jamais ! Nous laisserons-nous voler notre grandeur ? Jamais ! Nous laisserons-nous voler nos richesses ? Jamais ! Nous laisserons-nous voler notre foi ? Jamais ! Nous laisserons-nous voler notre Empereur ! JAMAIS !

La foule avait crié avec lui, cette fois-ci, et il savait qu'il avait réussi à la gagner bien qu'elle semblait accuser déjà le coup d'une défaite annoncée et qui paraissait désormais inévitable. Il continua donc :

- L'assistanat, la confiscation des terres, des propriétés et des richesses, la baisse des crédits militaires, la laïcité, la remise en cause de l'inviolabilité et du caractère sacré de Sa Majesté que nous promettent les progressistes... à tout cela nous disons non ! Les progressistes sont des socialistes cachés, en vérité ! Nous défendrons toujours l'Église, la foi, la famille, l'ordre, le mérite, la propriété, l'esprit d'entreprise, le patriotisme économique et, par dessus tout, Sa Majesté l'Empereur ! Vive l'Empire et vive l'Empereur !

Il descendit au milieu du public pour serrer des mains, sous les applaudissements, sans véritable enthousiasme, cependant. Le conservateurs ne croyaient plus au succès cette année...