« Conservateurs, calpunistes ou batignolistes, nous devons faire notre introspection »

Archibald de La Villejégu n'avait pas vraiment eu le temps de faire campagne, pris entre deux dossiers de la Connétablie de l'Empire. Néanmoins, il n'avait pas pour autant été inactif, répondant à un entretien avec le journal Le Dégel et envoyant de l'argent sur sa cassette personnelle afin d'imprimer la profession de foi, des tracts, des affiches de campagne, etc. Cependant, qu'elle n'avait pas été sa surprise lorsqu'il avait appris que Le Patriote avait eu l'intention de révéler que la troupe avait tiré sur le peuple en Nouvelle-Argentorate, à la demande du prince... un tel secret d'État révélé dans la presse ! Heureusement que le ministère de la Police générale était intervenu à temps pour saisir les exemplaires du journal et empêcher la divulgation des informations. La tension était montée bien trop haut et en ce 5 Antonine 2715, Archibald souhaitait la faire redescendre d'un cran. C'est pourquoi il accorda un nouvel entretien au Dégel qui fut publié dans une édition du soir, juste à temps avant la fin de la campagne :

Le Connétable de l'Empire et maréchal d'Empire le marquis Archibald de La Villejégu de Balincourt nous a accordé un nouvel entretien en cet Amezziadine 5 Antonine 2715, au sein même de la Connétablie de l'Empire, n'ayant pu se libérer.

Le Dégel : Bonsoir, Excellence. Merci d'avoir répondu à notre seconde sollicitation en moins de trois jours. Tout d'abord, quel bilan tirez-vous pour le Rassemblement conservateur dans cette campagne ?

Archibald de La Villejégu : Bonjour à vous. Quel bilan ? C'est bien tôt pour le dire, le Rassemblement conservateur a mené campagne avec hardiesse, comme l'Union des modérés, comme le Parti impérial. Ce seront aux électeurs de décider. Il est certain, cependant, que nous n'avons pas forcément donné une bonne image aux Belondaures.

Le Dégel : Que voulez-vous dire ?

Archibald de La Villejégu : Depuis deux semaines et le début officieux de la campagne, et encore plus depuis le début de la campagne officielle il y a cinq jours, la campagne est violente. On sent une réelle volonté de gagner dans toutes les formations politiques et ceci a entraîné des abus. Auxquels j'ai participé, et je le regrette, d'ailleurs.

Le Dégel : Mais n'est-ce pas le journal modéré Le Patriote qui a tiré le premier en vous qualifiant de « rétrograde » et « archaïque » ?

Archibald de La Villejégu : Peut-être, mais qu'est-ce que cela change au final ? Rien. Ma responsabilité de grand dignitaire était justement de me comporter avec dignité et de refuser de tomber dans ces polémiques politiciennes. J'ai moi-même été relativement agressif et je n'avais pas à l'être. Après tout, nous aurons tous à travailler ensemble, modérés, ultras et conservateurs, au service de Sa Majesté. C'est cet esprit qui aurait dû nous guider. Or, pour gagner des voix, être élu, les différentes formations n'ont fait que se critiquer les unes les autres, parfois en allant jusqu'à l'outrance et l'insulte. Nous n'aurions pas dû.

Le Dégel : Est-ce à dire que vous revenez sur ce que vous avez pu dire dans votre dernier entretien ?

Archibald de La Villejégu : J'ai été trop loin. Je suis en désaccord avec le programme de l'Union des modérés, comme du Parti impérial, sur bien des points. D'ailleurs, je suis en désaccord avec l'idée même d'un programme qui laisse à supposer que les partis imposeraient leurs idées à Sa Majesté. Mais je n'avais pas à décrire de telles caricatures. Les modérés ne sont pas des socialistes, ni des républicains. C'est une évidence. S'il y a des brebis galeuses parmi eux ? Peut-être, comme dans toute formation politique.

Le Dégel : Vous appelez donc à une remise en cause ?

Archibald de La Villejégu : Oui, une profonde remise en cause. Tous, conservateurs, calpunistes ou batignolistes, nous devons faire notre introspection. Nous avons été dignes des pires campagnes électorales des régimes parlementaires et indignes de l'honneur que nous a fait Sa Majesté de pouvoir avoir des formations politiques aptes à concourir aux suffrages des Belondaures, lesquels doivent élire des sénateurs afin de pouvoir l'appuyer et la conseiller. Nous avons été trop loin et il faudra, à l'avenir, y mettre bon ordre. Le dynamisme de cette campagne fut formidable, mais le contenu fut catastrophique, aussi bien de la part de nos adversaires que de la nôtre.

Le Dégel : Voilà de l'honnêteté ! Je vous remercie de nous avoir donné un peu de votre temps.

Archibald de La Villejégu : Mais c'était avec plaisir. J'en profite pour appeler les Belondaures de toutes conditions, toutes opinions à aller voter cette fin de semaine, de faire fi du comportement indignes des candidats bien souvent et de faire usage de leur droit de vote