Première conférence de presse du Parti progressiste

Conformément à ce qui avait été prévu, à l'heure dite, le président du Parti progressiste, Samuel Verrines d'Hersant, entra dans la salle de conférence de presse pour répondre aux questions des journalistes. Ils étaient une vingtaine, ce qui n'était pas si mal pour une toute formation politique n'ayant que deux sénateurs :

- Bonjours à tous. Bienvenue dans les locaux du Parti progressiste, le parti du progrès, de l'espoir et du changement. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Un journaliste se leva :

- Bonjour. Avalon Dère, pour Le Dégel. En vous positionnant fermement du côté des idées qui ont été celles de ceux qui ont fait chuter feu Nabelnine I^er le Martyr et qui l'ont assassiné, n'avez-vous pas l'impression de trahir Sa Majesté l'Empereur, son fils ? Pourquoi vouloir réduire à néant les pouvoirs de notre souverain, ainsi élu par Dieu, alors même que vous êtes sénateur grâce à lui ? N'avez-vous donc pas l'impression de faire preuve d'une grande ingratitude à son égard ?

Le ton était donné.

L'oeil noir, Samuel répondit :

- Votre propos sont véritablement outrageants, monsieur. J'ai fait les preuves de ma loyauté envers Sa Majesté ! Dois-je vous rappeler que je fus nommé préfet de la sécurité à Ecosient ? Dois-je vous rappeler que Sa Majesté m'a nommé sénateur ? Croiriez-vous que celle-ci se tromperait sur mon compte ? J'estime au contraire faire preuve d'une grande fidélité en appuyant les idées en faveur du changement, de la réforme et du progrès. Il existe un sens de l'histoire, monsieur. Si nous allons à contre-courant de ce sens de l'histoire, nous serons tous balayés, et c'est bien parce que je ne le veux pas que je souhaite que l'Empire soit à l'avant-garde du progrès, du changement et de ce sens de l'histoire.

Un autre journaliste se leva :

- Bonjour, Lucius Verus, pour L'Intransigeant. Vous souhaitez la dépénalisation de l'homosexualité. Pourquoi défendre cette perversité ? Pourquoi vouloir dépénaliser un comportement puni par Dieu ?

Le visage grave, Samuel répondit :

- Vous êtes à L'Intransigeant ? Votre discours ne m'étonne guère. Il est immonde, abject. Les homosexuels sont de êtres humains comme les autres, qui doivent bénéficier de la même considération et des mêmes droits que les autres. Pourquoi seraient-ils donc discriminés par rapport aux autres ? Ce sont des patriotes, comme vous et moi, qui sont prêts à tout donner à l'Empire. Il n'y a aucune raison qui puisse justifier qu'on ne leur accorde pas les mêmes droits. Ils ne sont pas responsables de leur état. Leur déviance sexuelle n'est pas une perversité. Ils ne le choisissent pas et nombre d'entre eux préfèreraient être normaux. Nous n'avons pas à leur juger parce qu'ils font dans leur intimité. Un jour, oui, je le dit, j'espère que ces hommes et femmes seront traités à égalité, qu'ils cesseront d'être poursuivis en justice, qu'ils pourront ne plus vivre cachés.

Après ces propos, un certain brouhaha gagna la salle.

Une nouvelle fois navré par le niveau des questions, il dit :

- Vous êtes ridicule. Je ne suis pas inverti, j'ai une femme, des enfants... et même si j'en étais un qu'est-ce que cela changerait ? Si vous pensez que l'Empire et notre civilisation vont s'effondrer uniquement parce que nous cessons de poursuivre les gens pour leurs pratiques intimes, c'est donc que vous pensez le Belondor bien fragile et que notre société n'a aucune base ! Allons, allons... vous vous alarmez pour rien.

Il y eut quelques rires :

- Ne serait-il pas possible de passer aux sujets d'importance capitale ? Le progrès social, la justice, les réformes démocratiques ?

Souriant, Samuel répondit :

- Merci pour cette question. Nous arrivons enfin au fond des choses. Les réformes que le Parti progressiste entend promouvoir seront un appui à l'expansion, loin d'être un frein. Le salaire minimum à 50 centimes l'heure, la journée de travail de 8 heures, la sécurité sociale universelle, l'école obligatoire et gratuite jusqu'à 14 ans, l'élaboration d'un code du travail, etc. sont des réformes importantes qui loin de nuire à notre développement vont l'accélérer.

Le journaliste paraissait sceptique mais il continua :

- Vous savez pourquoi ? Parce que ces réformes permettront aux travailleurs d'avoir plus d'argent, et donc d'acheter plus ce qui ne sera que favorable aux ventes des entreprises. Parce qu'ils seront en meilleure santé, parce qu'ils seront mieux formés, ils seront donc plus aptes à travailler à plein et de manière efficace pendant leur temps de travail et seront donc plus productifs. Comment comptons-nous financer cela ? Par une réforme fiscalité. Actuellement, notre fiscalité est fondée sur des impôts indirects, injustes, qui ruinent les pauvres. Nous souhaitons une fiscalité plus juste, où chacun contribue en fonction de ses facultés. C'est le but de notre fiscalité progressive sur les revenus, le patrimoine et le capital.

Après quelques questions, il y eut un blanc pendant 10 secondes et il dit :

- Vous avez d'autres questions ?