Réception de l'ambassadeur de Laurasie

Les dossiers ne manquaient pas à l'heure actuelle... préparation de l'ultime réunification, continuation des réformes, intégration de nouveaux États dans la Triple-Alliance afin d'en faire une Quinte-Alliance... Justement, il avait été prévu de recevoir l'ambassadeur du Basileus de Laurasie, autant dire leur empereur puisque la Laurasie était un empire. Sa Majesté avait donc cessé de travailler afin de s'apprêter et de revêtir ses habits de réception aidé des valets de chambre. Un uniforme de général de la Garde impériale auquel serait affublé le grand cordon de l'Ordre de l'Aigle ferait assurément bonne impression, estimait-il. À dix minutes de l'heure donnée, son secrétaire particulier Charles Degaulle se fit annoncer. Sa Majesté le regarda. Il avait les traits tirés, semblait fatigué au possible, mais jamais ne se plaignait. Ce serviteur de toujours dit à Nabelnine II :

- Votre Majesté, Son Excellence monsieur l'ambassadeur de Laurasie est arrivée.

Sa Majesté ne répondit que par un signe de tête, avec un léger sourire, sans pour autant congédier son secrétaire particulier. L'Empereur lui dit :

- Dites-nous, Degaulle. Vous souvenez-nous la dernière fois que nous vous avons demandé si vous aviez déjà pris des vacances ?

Sans se départir de son sérieux, celui-ci répondit :

- J'avais répondu à Votre Majesté que son service ne prenait pas de vacances.

Nabelnine II se contenta de sourire et lui dit alors :

- Nous vous répondrons donc que nous vous donnons un congé de cinq jours à partir de ce soir. Faîtes-en un bon usage et revenez-nous en forme.

Laissant en plan son secrétaire particulier qui n'en revenait pas, Sa Majesté termina de se préparer puis se dirigea vers le Salon Brostilon, ce salon ainsi nommé pour honorer sa victoire éclatante et définitive contre le Matnal lors de la Grande Guerre d'Occident, était le lieu de réception attitré des nouveaux ambassadeurs étrangers en Belondor. Lorsqu'il pénétra dans le salon, un huissier déclama :

- Sa Majesté Très-Syiste, Empereur de Belondor, Protecteur de Nouvelle-Argentorate, Médiateur de la Confédération du Sud-Cenuryon, Co-prince de Tràvna, Nabelnine II de Belondor !

L'ambassadeur laurasien était accompagné des personnes de sa délégation, alors que l'Empereur entrait suivi de ses conseillers, du Connétable et du ministre des Affaires étrangères. L'ambassadeur s'inclina selon le protocole, tandis que Sa Majesté s'avançait vers lui en disant :

- Bienvenue en Belondor, votre Excellence. Nous espérons que vous avez fait bon voyage depuis votre lointain Empire et que vous n'avez pas trop le mal du pays...

Lui indiquant un fauteuil où s'asseoir alors qu'il s'asseyait lui-même, Sa Majesté attendit la réponse de son interlocuteur, lequel aurait à lui présenter les motifs précis de sa venue et donc à débuter les négociations.

Sa Majesté avait écouté attentivement les raisons de la venue d'un ambassadeur de l'Empire de Laurasie en Belondor. L'objectif affiché par celui-ci était donc la signature d'un traité entre les deux empires, ainsi que l'obtention du soutien belondaure à l'intégration de la Laurasie au système d'alliances existant actuellement entre le Belondor, Edoran et le Zollernberg, de manière à fonder une Quinte-Alliance avec l'adhésion supplémentaire de l'Aldarnor. Enfin, il y avait un autre aspect, peut-être plus problématique pour la souveraineté économique de l'Empire, à savoir l'ambition de l'Empire de Laurasie de devenir actionnaire d'une entreprise à capitaux belondaures, en l'occurrence Batignoles Industrie. En effet, l'ambassadeur n'avait pas prononcé le nom de cette société, mais Nabelnine II était très bien informé par ses agents... En attendant, l'Empereur désira commencer par un réparer un oubli du sieur de Louvelle :

- Excellence, peut-être pourriez-vous commencer par nous présenter vos lettres de créance ?

C'est le Connétable de l'Empire Charles Marksane qui remit au souverain belondaure les lettres de créance de l'ambassadeur laurasien Priam de Louvelle. Ayant lu celles-ci, l'Empereur, arborant un léger rictus, légèrement énigmatique, entendit mettre un peu plus à l'aise son interlocuteur :

- Nous accusons réception de vos lettres de créance, Excellence, et les considérons comme valides. Nous sommes heureux de voir que la Sa Majesté le Basileus de Laurasie a fait les démarches pour qu'un de ses officiels nous rencontre en Belondor. Cela correspond à l'esprit du sommet de Wilhelstaufen où, vous n'êtes pas sans le savoir, nous avons appuyé la candidature laurasienne à l'intégration dans l'alliance élargie. Continuons, dès lors, si vous le voulez bien.

Sa Majesté signifiait ainsi que pour le Belondor la question de la Quinte-Alliance était déjà réglée. Il attendait de l'ambassadeur laurasien qu'il lui présente désormais les intentions quant à la volonté de la Laurasie de signer un traité avec l'Empire de Belondor et lui détaille son projet d'investissement dans l'économie nationale.

Hors-Jeu : Faisons comme si le sommet de Wilhelstaufen était déjà terminé puisque celui-ci devait se dérouler à la mi-juin.

L'Empereur, ayant écouté son interlocuteur, lui répondit :

- Nous vous remercions pour le détail de votre réponse, laquelle nous permettra, nous en sommes certains, d'avancer dans la négociation et de trouver, nous l'espérons, un terrain d'entente qui conviendra aux deux parties. Un traité de reconnaissance mutuelle, laquelle est déjà tacite de par notre adhésion à la même alliance, assortie, d'accords commerciaux peut en effet s'avérer intéressant, nous le pensons, et en parfaite adéquation avec les buts de l'alliance à laquelle nos deux États font partie.

Puis, en venant aux stipulations proposées dans la convention engageant les deux États et Batignoles Industries, Sa Majesté impériale ajouta :

- Cependant, la convention peut être améliorée en l'état. Il nous semble qu'une somme de deux cents cinquante millions de sesterces d'investissements sur cinq ans nous apparaît pour le moins excessive, en ce qu'elle pourrait apparaître invasive pour nombre de Belondaures. Nous proposons donc de limiter l'investissement à dix millions de sesterces par an, soit cinquante millions sur cinq ans, ce qui est déjà, vous l'admettrez très aisément, assez important.

De toute façon, l'Empereur qui était bien informé par ses réseaux de renseignement, savait pertinemment qu'il n'était pas dans les capacités financières de la Laurasie de procéder à de tels investissements à l'étranger sans s'endetter. Certainement cette sommes ainsi avancée était-elle un moyen d'obtenir le droit d'investir pour cent millions. Autant donc leur en proposer la moitié, soit cinquante millions. Il poursuivit :

- Par ailleurs, il nous apparaît adéquat que, si l'Empire de Laurasie devient actionnaire de Batignoles Industries, cela se fasse dans le cadre d'une association avec l'Empire de Belondor, lequel deviendra alors actionnaire également, avec une minorité de blocage lui permettant d'apposer son veto à toute décision ou stratégie de l'entreprise qui lui semblerait ne pas convenir. Si vous nous le permettez, nous vous proposons de transmettre votre proposition aux services de l'Architrésorier, lesquels la retravailleront et vous en proposeront une version amendée et améliorée.

Souriant, l'Empereur dit alors à l'ambassadeur laurasien :

- Cette question est donc réglée. Vous recevrez dans quelques jours à votre ambassade un projet de convention remanié par les services de l'Architrésorerie. Passons désormais à la suite ! N'aviez-vous pas un projet de traité à nous présenter ?