Sommet belondo-francovare

Jamais l'Empire de Belondor – aussi bien que le Royaume de Belondor – et la République de Francovie – ainsi que les régimes qui les avaient précédés – n'avaient entretenu de relations diplomatiques jusqu'à présent. Ainsi, en venant en Belondor sur invitation de l'Empereur de Belondor, le président de la République de Francovie inaugurait celles-ci entre les deux États. L'objectif était d'aboutir à la reconnaissance mutuelle des deux pays, voire de débuter des relations de bienveillance si ce n'est d'amitié.

Partant, l'Empereur avait revêtu ses plus beaux atours, en uniforme de colonel des grenadiers de la Garde impériale. Et tout avait été prévu pour accueillir comme il se devait le chef de l'État francovar. Ainsi, lorsque les membres de la délégation étrangère seraient arrivées, il avait été programmé de passer en revue les troupes de la Garde impériale stationnées dans la cour de marbre du palais afin de leur rendre les honneurs dus à leur rang, à tous deux. En effet, n'était-il pas un monarque de haute lignée, dépositaire des traditions d'un des plus vieil État du monde, et qui en tant que tel traitait les autres chefs d'État avec respect ? Par la suite, la musique de la Garde impériale jouerait alors les hymnes nationaux du Belondor et de la Francovie.

Lorsque la délégation arriva en vue, atteignant enfin le sommet du plateau, Sa Majesté l'Empereur attendait devant le palais impérial, avec derrière lui deux des grands dignitaires : l'Archichancelier de l'Empire et Grand Électeur de l'Empire, le duc Etzel Calpunien de Varsalance, ayant tutelle sur les ministères des Affaires administratives, de la Police générale et de la Justice, de l'Université impériale et des Affaires sociales, ainsi que le Connétable de l'Empire et Architrésorier de l'Empire, le sieur Charles Marksane, ayant tutelle sur les ministères des Affaires étrangères, de la Guerre, de l'Échiquier et du Trésor. Le ministre des Affaires étrangères serait le seul ministre également convié à cette réunion au sommet.

Derrière Sa Majesté l'Empereur, l'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire suivait l'arrivée de la délégation francovare avec une mine grave ; s'il était né et avait grandi en Aldarnor, Etzel Calpunien ne connaissait rien ou presque de la Francovie. Pour autant, il savait la république influente sur le continent sud depuis la chute d'Avaricum et le léger retrait de Prya. D'ailleurs, on disait même de la République qu'elle était le fer de lance de toute cette partie de l'Archipel, agissant de concert avec l'Etat fédéré armaréen de Sud-Syldavie.

Droit dans son complet noir, le duc de Varsalance surveillait avec attention le respect du protocole, espérant que rien ne vienne le contrarier. Pour l'heure, tout se passait à peu près suivant le déroulé et un temps radieux accompagnait cette rencontre historique.

Le président de la République de Francovie paraissait quelque peu impressionné par le décorum impérial belondaure. Il avait cependant assez surpris le souverain lorsqu'il lui avait présenté sa main pour serrer celle de Sa Majesté, chose qui ne se faisait pas avec un souverain belondaure. Pour ne pas paraître se froisser, Nabelnine II avait accepté de tendre sa main pour la lui serrer et de faire fi de ce petit écart au protocole. L'Empereur répondit à son compliment sur le palais en souriant :

- Votre Excellence, bienvenue en Belondor. Nous espérons que le voyage n'aura pas été trop long et, qu'en tout état de cause, il aura su vous être agréable. Nous sommes en tout cas fort heureux de voir que, peu importe comment il se passa, vous êtes toujours apte à apprécier les beautés architecturales de notre Etat.

D'un signe de la main, le jeune souverain belondaure âgé de vingt-quatre printemps invita le chef d'État francovar à le suivre. Faisant désormais face à la Garde impériale, les deux hommes, suivis de leurs délégations, quittèrent donc le tapis rouge pour se placer en face des soldats au garde à vous. Sur chaque côté étaient placés des musiciens appartenant à celle-ci. Les musiciens de la Garde impériale jouèrent alors les deux hymnes nationaux. Au bout de quelques minutes, une fois fini la présentation des hymnes, Sa Majesté impériale invita la délégation francovare à monter jusqu'à l'étage où étaient situés les appartements de l'Empereur. En effet, c'était dans un des salons qu'il était prévu de travailler. La délégation francovare pourrait ainsi admirer l'intérieur du palais... Une fois chacun disposés à leurs sièges ou fauteuils dans le salon Antonine le Grand, Sa Majesté commença à s'exprimer à destination du chef de l'État :

- Votre Excellence, nous sommes heureux de vous voir en Belondor, en ces murs du palais impérial d'Elbêröhnit. C'est la première fois que nous avons l'honneur d'accueillir des membres du gouvernement de la République de Francovie tout court même. Mais justement, présentez-nous votre pays qui vient de reparaître sur la scène internationale. S'il apparaît évident que vous connaissez bien le Belondor, il n'en est pas de même pour nous de la Francovie, malheureusement...

Souriant, le jeune souverain fit un signe de la main en direction de Stéphane Maurier, l'invitant à s'exprimer.

Les services diplomatiques ne s'étaient donc pas trompées sur l'ouverture toute récente aux autres nations de la Francovie : elle était le résultat d'un changement de régime au moins aussi récent. D'où son activisme tous azimuts depuis quelques mois, puisqu'il s'agissait pour celle-ci de nouer des relations très rapidement et de, en quelque sorte, rattraper son retard. L'Empereur, toujours souriant, répondit au président Maurier :

- Nous voyons que l'histoire de la Francovie est certainement passionnante. Nous demanderons à nos services de nous écrire un mémoire sur le sujet afin de savoir ce qu'il en est.

Après un léger temps d'arrêt, l'Empereur de Belondor reprit :

- Excellence, nous sommes heureux de pouvoir vous accueillir ici, afin de nouer des relations diplomatiques entre l'Empire de Belondor et la République de Francovie. Comme vous le savez, l'Empire de Belondor a participé au sommet de Micropolia en tant qu'État observateur et, si malheureusement il ne nous fut possible pour des raisons de souveraineté de signer le traité fondateur de l'Alliance du Continent Sud, sachez que nous portons un regard bienveillant sur celle-ci et qu'il ne nous viendrait pas à l'esprit de vouloir faire du Nord et du Sud des blocs en tous points opposés. Nous vous proposons, désormais, de commencer les négociations pour un traité de reconnaissance mutuelle.

Une pause fut faite dans le sommet, permettant à chaque délégation de s'isoler. L'Empereur de Belondor examina le projet de traité présenté par le président de la République de Francovie, avec les deux grands dignitaires présents au sommet. Celui-ci, lui convenait parfaitement, en l'espèce. Il se permit néanmoins quelques corrections qu'il présenta lorsque les négociations reprirent :

Citation :

La République de Francovie, représentée par Son Excellence Stéphane Maurier, président de la République,
Et
L'Empire de Belondor, représenté par Sa Majesté impériale Nabelnine II, Empereur de Belondor,
Ci-après dénommées Hautes Parties contractantes,

Conviennent du traité suivant :

Titre I – De la reconnaissance mutuelle

Article 1 –Les Hautes Parties contractantes reconnaissent leurs frontières et souverainetés respectives, comme celles de nations libres et indépendantes.

Article 2 – Il est établi une ambassade de l'Empire de Belondor sur le territoire de la République de Francovie. L'ambassadeur de l'Empire de Belondor auprès de la République de Francovie présente ses lettres de créances à l'approbation du président de la République de Francovie. Il tient l'Empire de Belondor informé de l'actualité de ce pays, et fait office d'intermédiaire privilégié entre le gouvernement francovar et le gouvernement belondaure.

Article 3 – Il est établi une ambassade de la République de Francovie sur le territoire de l'Empire de Belondor. L'ambassadeur de la République de Francovie auprès de l'Empire de Belondor présente ses lettres de créances à l'approbation de l'Empereur de Belondor. Il tient a République de Francovie informée de l'actualité de ce pays, et fait office d'intermédiaire privilégié entre le gouvernement belondaure et le gouvernement francovar.

Article 4 – Les Hautes Parties contractantes reconnaissent le droit à l'immunité de leurs ambassadeurs ainsi que de l'exercice de la législation de l'État de l'ambassadeur dans leurs ambassades respectives. Dans l'application du droit à l'immunité, les autorités des deux États s'engagent mutuellement à ce que la justice puisse s'exercer dans le cas de délits ou de crimes commis par le personnel d'ambassade.

Titre II – Des engagements réciproques

Article 5 – Les Hautes Parties contractantes proclament leur attachement commun à la stabilité. Chacune des Hautes Parties contractantes s'engage à ne pas déstabiliser le système politique et économique en vigueur chez elles.

Article 6 – Les Hautes Parties contractantes proclament la paix et l'amitié entre elles.

Titre III – Du présent traité

Article 7 – Dès qu'une des Hautes Parties contractantes aura ratifié le présent traité conformément à ses règles institutionnelles, elle le signifiera à l'autre partie.
Le présent traité entrera alors en vigueur au moment de sa ratification par les deux parties.

Article 8 – Entre sa signature et sa ratification, le présent traité sera appliqué par les Hautes Parties contractantes à titre d'anticipation.

Article 9 – Si une des Hautes Parties contractantes souhaite rompre ce traité, elle doit le signifier au préalable à l'autre partie.

Fait à Elbêröhnit, le 25 Nabelnine 2715 / 1^er août 2013, en deux exemplaires, les deux textes faisant foi.

Ex-lude : Il s'agit de modification de pure forme.

Un échange de professeurs entre facultés ? Voilà bien une chose qui n'était pas monnaie courante en Belondor. Certes, de temps à autre, un professeur belondaure allait faire une conférence à l'étranger, de même que des conférenciers étrangers avaient l'honneur d'être invité pour exposer leurs vues et autres théories devant dans des amphithéâtres de Belondor pleins à craquer. L'Empereur ne voyait pas d'objection à une telle idée. Il suffirait, par exemple, de rajouter un article au traité décidé entre les deux chefs d'État. Il se tourna néanmoins vers l'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire, lui signifiant ainsi qu'il lui importait désormais que celui-ci s'exprime, en tant qu'autorité de tutelle du ministère de l'Université impériale.

L'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire n'était pas encore intervenu au cours de cette rencontre bilatérale. Il s'était contenté d'écouter avec attention les développements du président francovare, qui semblait au demeurant fort sympathique. Le duc de Varsalance s'était toutefois montré plus actif au cours de la pause, s'étant entretenu avec le souverain belondaure concernant le traité ; il approuvait naturellement les corrections apportées, constatant de lui-même certaines irrégularités de forme.
Désormais revenus à la table du sommet, voilà qu'il était désormais amené à prendre la parole. Enfoncé dans son fauteuil depuis la reprise des discussions, il se redressa quelque peu avec son flegme habituel. Son visage était circonspect, comme à l'ordinaire.

" Majesté, Excellence. Je pense que cela a été dit avec suffisamment de force pour que tout le monde ait compris : la Francovie et le Belondor sont deux États qui ne se connaissent peu voire pas. L'échange d'agrégés visant à inculquer l'histoire de nos deux pays semble dont être un moyen de palier à cette méconnaissance. Il serait tout à fait envisageable d'ouvrir d'une chair à l'Université d'Elbêröhnit visant à promouvoir l'histoire et les cultures des autres nations de l'Archipel. Bien évidemment, nos ambassades devraient aussi avoir pour charge d'ouvrir les élites à nos cultures respectives. "

Il laissa passer un temps, cherchant visiblement à savoir si quelqu'un objectait. Personne ne souhaitant intervenir, l'Archichancelier reprit.

" S'agissant de l'échange de professeurs belondaures et francovares, il vous appartient, Majesté, Excellence, de décider si vous souhaitez le stipuler au sein du Traité de reconnaissance mutuelle. Mais peut-être conviendrait-il simplement d'agir par voie ministérielle afin de ne pas alourdir le document de dispositions surabondantes. "

Écoutant attentivement son Archichancelier et Grand Lecteur, l'Empereur se tourna ensuite vers le Connétable et Architrésorier de l'Empire, Charles Marksane, lequel semblait approuver d'un signe de tête les propos du grand dignitaire. L'opinion de l'Empereur était donc faîte :

- Excellence. Nous nous joignons à l'opinion émise par son Excellence le duc de Varsalance. Agissons de manière informelle, entre gouvernements, de gré à gré, par exemple, par l'entretien d'une correspondance entre notre ministre de l'Université impériale et votre propre ministre de l'« Université républicaine » – désolé, nous ne savons comment dire autrement... Si cela s'avère concluant, peut-être créerons-nous par la suite une chaire de l'histoire de Francovie, et ferez-vous de même pour l'histoire de Belondor.

Le président de la République de Francovie avait fait une moue dubitative suite à la réponse de Sa Majesté l'Empereur. Était-il déçu de celle-ci ou n'était-ce qu'une grimace, un tic incontrôlé ? Impossible de le savoir, mais en répondant à l'interrogation de celui-ci sur la suite du sommet, l'Empereur prit soin de préciser la suite des évènements :

- Excellence, nous pensons qu'il s'agit là d'un bon début pour les relations belondo-francovare, et nous espérons que celles-ci pourront être approfondies par la suite. Nous comptons ratifier le traité signé entre nos deux États sous très peu de temps. Vous serez ainsi tenus au courant de cette ratification, comme de l'ouverture de votre ambassade en Belondor et de la nomination d'un ambassadeur de l'Empire en Francovie. Par ailleurs, dès cette ratification effectuée, notre ministre de l'Université impériale entrera en contact avec son homologue en Francovie pour déterminer de l'échange de professeurs entre nos deux États, notre objectif étant qu'il soit rendu possible d'ici un mois. Nous affirmons qu'il y a là de quoi satisfaire à la volonté d'amitié et d'échange de tous.

L'Empereur fit alors un signe de la main au président Maurier, afin de savoir s'il souhaitait rajouter quelque chose.

L'Archichancelier et Grand Électeur avait remarqué la profonde déception du président de la République de Francovie. Son intention n'était nullement de blesser le dirigeant étranger mais bel et bien d'offrir au Traité de reconnaissance mutuelle toute sa force. Ainsi, il cru bon d'intervenir.

" Votre Majesté, j'aimerais préciser un point qui me paraît important. "

Bien évidemment, puisqu'il lui semblait peu probable que l'Empereur lui refuse la parole, le duc de Varsalance poursuivit.

" Le Traité que l'Empire de Belondor et la République de Francovie s'apprêtent à signer et promulguer marque le début d'une coopération nouvelle entre nos deux États. La force d'un tel document réside dans une rédaction claire et marquante ; l'indication d'un échange d'universitaires ou toute autre information connexe lui ferait perdre sa valeur première.

Je chargerai personnellement, via le Grand Électorat de l'Empire, monsieur Jean-Louin Périchian ès qualité de ministre de l'Université impériale, de prendre contact avec son homologue francovare dans les plus brefs délais aux fins d'entériner ce projet d'échange scientifique. Evidemment, je ne doute pas de l'intérêt porteur d'une telle entreprise et suis sûr que nos élèves suivront avec aciduité un cours sur la Francovie. "

L'Archichancelier et Grand-Électeur de l'Empire adressa alors un sourire à l'adresse de la délégation francovare et tout particulièrement au président Maurier ; venant du duc de Varsalance, ce signe de sympathie valait tout autant que l'engagement pris à l'instant.

S'adressant au président de la République de Francovie, l'Empereur lui dit :

- Vous nous en voyez ravi, Excellence. Nous sommes certains que ce traité augure d'une ère de paix et d'amitié entre nos deux États, que nous espérons la plus longue possible.

Sans changer de ton et en affichant ce rictus lui donnant un air énigmatique, sans pour autant le départir de son flegme, Sa Majesté poursuivit :

- Excellence, nous aimerions savoir ce que pense la Francovie des évènements internationaux actuels.

L'Empereur discuta à voix basse quelques instants avec les deux grands dignitaires à ses côtés. Ou plutôt, ceux-ci leur glissèrent des mots à voix basse, l'Empereur se contentant de dodeliner de la tête de haut en bas ou de ne rien dire ni faire du tout. Au bout d'une à deux minutes de conciliabule, sachant ce qu'il avait décidé de dire au président de la République de Francovie, Nabelnine II interrompit les Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire et Connétable et Architrésorier de l'Empire en levant simplement la main. À ce moment-là, les deux grands dignitaires se repositionnèrent correctement au fond de leurs sièges. L'Empereur s'exprima en affectant de ne rien laisser filtrer sur son visage, d'un ton placide et d'une voix calme :

- Excellence, la situation internationale nous apparaît grave comme elle ne l'a certainement jamais été depuis la guerre entre Edoran et le Zollernberg voilà plus d'un an. Certes, on l'a oublié pour une bonne part – montrant à quel point le monde tourne et oublie vite ! – mais cette guerre faillit emporter une bonne partie de la civilisation du monde. Le Belondor, sortant de la Grande Guerre d'Occident quatre ans auparavant, dont il venait alors seulement de terminer de panser les plaies, et considérant alors qu'il ne lui était possible de choisir entre ses deux voisins, était resté neutre. Aujourd'hui, si l'Empire de Belondor est une grande puissance, tant économique que diplomatique et militaire, c'est, nous le pensons, en grande partie parce que nous avons conservé cette neutralité au cours de ce qu'il est coutume d'appeler la Guerre d'Edredonie...

L'Empereur s'interrompit un instant. Il voulait que son interlocuteur perçoive le changement de position de l'Empire de Belondor :

- Mais une puissance telle que celle qu'a pu développer le Belondor implique désormais de grandes responsabilités. Les États qui nous entourent attendent de nous que nous assumions ces grandes responsabilités. Le Belondor dispose de forces tant sur le Continent Nord que sur le Continent Sud, via notre protectorat sur la Nouvelle-Argentorate. C'est un des outils de notre puissance et en même temps un moyen de dissuasion. Un moyen de dissuasion dont nous n'hésiterons pas à nous servir si l'on attente à nos intérêts ou à la vie de nos ressortissants et à ceux des États qui sont nos alliés et nos amis, et nous pensons pouvoir affirmer que la Francovie fait partie de ceux-ci désormais.

Le cadre d'ensemble étant désormais fixé, l'Empereur révéla une partie des intentions belondaures par rapport à la situation internationale décrite et connue de tous :

- Excellence, vous connaissez les menaces proférées à notre encontre par la Laurasie. Si celle-ci ose les mettre à exécution, elle devra faire face à une réponse à la mesure de nos moyens militaires, tant sur mer que sur terre. Quant à Nôddia, si nous ne sommes pas intervenus jusqu'à présent – considérant que, par affinités géographiques ou culturelles, il revenait à nos alliés du Zollernberg ou de l'Aldarnor, et aux États de l'Alliance du Continent Sud de le faire d'abord –, si celle-ci s'alliait avec la Laurasie et devenait son bras armé, elle aurait à subir notre courroux aussi bien que la Laurasie.

L'Empereur resta un moment silencieux. Peut-être réfléchissait-il, ou peut-être jaugeait-il son interlocuteur. Peu importait en vérité. L'Empereur n'estimait pas, lui, que la Laurasie avait déjà déclaré la guerre. Certes, la nuance était étroite avec une véritable déclaration de guerre, mais elle existait. Il répondit :

- Vous estimez donc que la Laurasie nous a d'ores et déjà déclaré la guerre ? Tel n'est pas notre avis. Nous en sommes au stade des menaces. Si celles-ci se concrétisent, alors, en effet, nous considérerons que la Laurasie nous aura déclaré la guerre. Mais, nous savons tous très bien que de la menace à l'exécution de celle-ci, les Laurasiens ne se pressent pas. Ce sont de grands parlous, petits faisous.

Les deux grands dignitaires qui se tenaient à côté de l'Empereur parurent quelque peu surpris que l'Empereur employa ainsi une expression typique de l'argot populaire elbêröhnitois. Sa Majesté n'en tint pas cure et continua :

- Soyez assuré que l'Empire de Belondor se tiendra du côté du droit, de la justice et de la civilisation. Nous avons dès à présent donné des ordres aux I^e et II^e flottes de faire route en direction du Continent de Fanz. Nos forces armées, tant terrestres et maritimes de Nouvelle-Argentorate, doivent se mettre en alerte pour faire face à toute agression en provenance de Nôddia, sachant que ce sont elles qui seront en première ligne dans un tel contexte, si Nôddia venait à rejoindre la folie laurasienne. On est jamais trop prévenant...

Il marqua un temps d'arrêt, puis conclut :

- Nous vous assurions que l'Empire de Belondor remplirait son devoir et assumerait ses responsabilités. Nous n'avons qu'une seule parole.

L'Empereur était plutôt réticent à un commandement unique, notamment parce que, le Belondor ne souhaitait pas véritablement la guerre, même s'il avait déjà donné des ordres pouvant donner à penser le contraire. Il espérait que la simple démonstration de force suffirait à ramener les Laurasiens à la raison. Il répondit donc :

- Nous verrons en temps utile si cela s'avère ou non nécessaire, Excellence. Nous sommes, en tout cas, très heureux de voir que la Francovie et le Belondor partagent nombre de vues sur la situation internationale actuelle et que des échanges culturels pourront déjà commencer entre nos deux nations. Aviez-vous autre chose à nous demander ?