Le Rasscon à l'offensive dans la circonscription de Marceinne

À Marceinne, et dans le reste de la préfecture et circonscription du même nom, les affiliés à des formations politiques étaient loin d'être légion. Question d'histoire et d'habitude du jeu électoral, certainement. D'abord, l'Eslagne était presque toute entière comprise dans cette circonscription et les Eslagnais, depuis la Guerre de Sécession, semblaient, pour une bonne partie, refuser de participer au débat public, en signe de mécontentement face à la politique assimilationniste et centralisatrice de l'Empereur. Enfin, la majorité de la Gélèbre était également partie de cette circonscription. Or, il fallait se souvenir que les premières élections de l'histoire n'avaient eu lieu qu'en 2713 dans cette région, avec un taux d'abstention important, de l'ordre de 65%. Il s'agissait donc avant tout d'acclimater ces nouveaux Belondaures au fait d'aller voter... et de bien voter.

Et pour cela, le Rasscon avait une arme : la religion. Le clergé syiste de l'ancienne Gélèbre était parmi les plus conservateurs du pays, si ce n'était le plus conservateur. Or, si le Parti impérial, de par son passé xénophobe, rebutait les anciens Gélèbrois, le Rassemblement conservateur pouvait, lui, les séduire, en jouant la défense du syisme traditionnel face au laïcisme prétendu des modérés. Rien de tout cela n'était vrai, bien entendu, mais le Connétable de l'Empire sentait bien que les modérés avaient le vent en poupe, où et il était bien décidé à tout faire pour limiter leur succès et, pour cela, à utiliser tous les arguments de campagne possible.

Ainsi, les candidats conservateurs dans la circonscription de Marceinne faisait-il campagne sur la défense des valeurs traditionnelles : la famille, la morale, et bien entendu la foi syiste. Hansien Baumgarnel – qui, comme son patronyme assez étrange l'indiquait, avait fait le choix de belondauriser prénom et nom lors de l'annexion – était un de ceux qui faisait campagne sur ces thèmes. Monté sur une estrade, il haranguait les électeurs de la circonscription à l'élire sur la place de l'Empire de Franckburt, chef-lieu du canton du même nom :

- Les modérés sont des laïcistes qui veulent séparer l'Église de l'État ! Souhaitez-vous voir vos prêtres à la rue, tels des mendiants ? Qui assurera la charité s'ils ne sont plus là ? L'Église est notre mère à tous, elle est l'incarnation de notre foi, nous ne laisserons pas une bande d'athées nous l'enlever ! Souhaitez-vous voir vos enfants élevés sans morale, sans repères, sans famille ? Non ! Je le sais ! Alors, soutenez-moi et je vous assure que je ferai tout ce qu'il est en mon pouvoir pour que notre foi soit respectée, pour que notre morale ne soit pas pervertie mais pure, pour que nos familles ne soient pas détruites, sans repères ni valeurs.

Baumgarnel fut très applaudi ce jour-là... à quelques centaines de kilomètres au sud-ouest, c'était un autre candidat du Rassemblement conservateur, Zantafien Mirandel – belondaurisation de Zantafio Miranda, qui prenait la parole à Beneline. Quelques jours plus tôt, un candidat de l'Union des modérés était venu promettre des réformes sociales sur les docks du port de Beneline. Aujourd'hui, Mirandel jouait donc gros :

- Mes amis, mes amis... je sais que vous avez souffert de la Guerre de Sécession, je sais que vos vies sont dures, que vous éprouvez de la rancœur... mais n'oubliez pas que ceux qui vont ont fait ces promesses sont à l'origine de vos maux ! Le candidat modéré qui est venu vous parler est à la solde de l'Archichancelier Etzel Calpunien de Varsalance... plus connu sous le nom de l'Archipolicier. Allez-vous voter pour ceux qui ont fait tirer sur vos familles, ont détruit vos vies, vos familles, vos maisons ? Allez-vous faire confiance à ceux qui ont votre sang sur les mains ? Le Rassemblement conservateur vous promet le respect, l'ordre et la prospérité !

La campagne était pleine de quolibets et d'attaques virulentes...