Session d'étude du projet de loi de finances pour l'année 2716

Pour la première fois depuis la fin de la Grande Guerre d'Occident, les délais avaient été respectés. On aurait donc pas à voter en urgence, sauf à ce que la discussion s'éternise, le projet de loi de finances. Certes, l'arbitrage s'était clôt au début du mois de Nonus et non à la fin de celui d'Octavus. Mais le projet de loi avait été arrêté avant la fin du mois de Decimus, comme prévu par le Code des finances publiques. C'est ainsi que ce Primodine 8 Nabelnine 2715, huitième anniversaire de l'accession au trône du Très-Syiste Empereur Nabelnine II, s'ouvrait la session d'étude du projet de loi de finances pour l'année 2716, sous la direction du Grand Maître de l'Empire, le duc d'Albes Armand de La Croix, également comte de Salignac (et maire de cette petite bourgade de moins de mille habitants) :

- Excellences, messieurs les ministres, messieurs les sénateurs, la session d'étude du projet de loi de finances pour l'année 2716 est ouverte. La parole est à son Excellence le Connétable et Architrésorier de l'Empire, monsieur Charles Marksane.

Projet de loi de finances pour l'année 2716:

Multijoueur Messages : 26 Date d'inscription : 06/10/2012 Prénom ex-lude : —

Ceux qui espéraient que le Sénat irait plus vite et voterait largement en avance le projet de loi de finances cette année en étaient pour leurs frais. Voilà un mois que les sénateurs débattaient du projet et rien avançait... comme pour la réforme d'unification des chambres de commerce et d'industrie. Parmi les Belondaures on jasait beaucoup. Les plus aimables parlaient de « bavards impénitents » à propos des sénateurs. Mais la plupart du temps, on les dénommaient sous le nom de « braillards indisciplinés ». Les plus sévère parlaient même de « nuisibles irresponsables ». Ils étaient nombreux à trouver que le Sénat ne remplissait pas son rôle depuis plusieurs mois, se perdant en circonvolutions et débats inutiles. Certains, de plus en plus nombreux, allaient même jusqu'à dire qu'on pourrait se passer d'un Sénat au rythme où cela allait. Jamais la popularité de l'institution sénatoriale n'avait été aussi basse et la défiance à son encontre prononcée aussi vivement. L'« anti-sénatorialisme » battait son plein.

Alors qu'on débattait encore du budget, le député Verrines d'Hersant intervint pour situer son positionnement :

- Mais cette loi de finances est nulle et non avenue, désormais ! Avec la guerre ! Il faut la prendre en compte, car celle-ci a un coût et si nous sommes en 2715, elle aura un coût en 2716 assurément. Comment en serait-il possible autrement ? Les hommes tués, il va falloir en embaucher d'autres et pensionner leurs veuves et familles. Les blessés, il va falloir les indemniser. Les balles, les obus, les fusils, il va falloir les remplacer !

Puis, de son air magistral qui agaçait tant, il conclut :

- De toute manière, en l'état, il n'est pas question pour nous d'adopter un projet de loi dans lequel les dépenses de la Maison de Sa Majesté sont quatre fois celles du ministère des Affaires sociales et deux fois celles du ministère de l'Université impériale !

De quoi lancer une belle petite polémique...

Le Connétable de l'Empire souhaitait reprendre la main. Il savait que son incapacité à faire adopter le budget en moins d'un mois risquait fortement de lui coûter sa place d'Architrésorier de l'Empire ; et comme, en plus, il était quasiment acquis qu'il serait bientôt déchu de sa grande dignité de Connétable de l'Empire, qu'il occupait par ailleurs... sa carrière politique fulgurante risquait d'en prendre un sacré coup. Lui qui avait côtoyé les sommets pouvait bien craindre de n'être plus rien, de n'avoir plus aucune fonction officielle, à moins qu'on ne lui confie une préfecture. Mais cela lui paraîtrait bien fade en comparaison d'une grande dignité. Il aurait presque préféré repartir en Nouvelle-Argentorate. Mais la place était prise désormais, à son grand dam.

C'est donc avec l'énergie du désespoir, conscient qu'il ne pouvait plus faire grand-chose pour ne plus être déchu, mais en même temps déterminé à se battre pour conserver sa place et ne pas se retrouver mis au placard pour plusieurs années qu'il répondit aux différentes offensives venant des bancs de la gauche du Sénat ; à savoir des progressistes et des modérés les plus radicaux, contre un budget qualifié de trop militariste ou gaspillant des deniers qui auraient été plus utiles en faveur de politiques sociales ou éducatives ; alors que dans le même temps, les ultras et certains conservateurs autoritaires et nationalistes critiquaient ce qu'il jugeaient être une trop faible augmentation des dépenses militaires face aux menaces qui pesaient sur l'Empire à travers le monde :

- Votre Excellence le Grand Maître de l'Empire et président in officio du Sénat, votre Excellence l'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire, messieurs les ministres, messieurs les sénateurs. Je n'ai aucune honte à la figure en affirmant, sans vantardise, sans prétention, que ce projet de loi de finances pour l'année 2716 qui vient, est très certainement le projet de loi de finances le plus précis, le mieux écrit et le mieux préparé de toute l'histoire de Belondor.

Beaucoup rirent parmi les sénateurs, notamment sur les bancs les plus excentrés, tandis que quelques rares applaudissements se faisaient jour plus au centre et sur les bancs des membres du gouvernement et des grands dignitaires :

- Cela est facilement visible. Jamais un budget n'a été préparé avec autant de détails. Comparez donc les lois de finances de 2715 et celui de l'année dernière : c'est tout simplement frappant !

Les rires redoublaient, bien que certains continuaient d'applaudir. Il n'en tint cure, cependant :

- Quel est l'objectif fixé par Sa Majesté l'Empereur et que les services du ministère du Trésor, sous l'autorité de l'Architrésorerie de l'Empire, ont tenté de traduire dans ce texte ? Celui de l'obtenir d'une croissance économique pure, c'est-à-dire capable d'éliminer presque totalement l'inflation. Pourquoi me direz-vous ? Tout simplement parce que l'inflation est la ruine du travailleur, qui voit ses efforts réduits à néant puisque tout gain de salaire est automatiquement capté par la hausse des prix ; parce qu'elle est la ruine des épargnants, ces épargnants qui sont la fierté de notre Belondor, en ce qu'ils représentent la prudence, la modération, la prévention par rapport à un avenir toujours incertain. Mais justement, cette inflation n'existe que parce qu'elle est importée ou parce que les coûts des entreprises augmentent, celles-ci augmentant leurs prix pour pouvoir continuer de vivre. C'est pourquoi Sa Majesté, depuis cinq ans, s'engage chaque année à ce que les dépenses croissent moins vite que l'économie, à ce que les salaires croissent moins vite que l'économie et à ce que la concurrence des entreprises étrangères et l'inflation importée soient combattues par l'accroissement des droits de douane.

Il y avait eu plus d'applaudissements, cette fois-ci. Le Connétable et Architrésorier trouvait qu'il tenait le bon bout, certainement le moyen de rallier à lui une large majorité du Sénat, ce qui était l'objectif fixé par l'Empereur. Il n'avait pas dit son dernier mot...

- Ainsi, par cette croissance économique pure, obtenue grâce à la politique du gouvernement de Sa Majesté, une hausse des salaires sera une vraie hausse des salaires, la fructification de l'épargne sera une véritable fructification et les épargnants ne seront pas privés des fruits de leur travail. Tout cela est la conséquence de la politique de réduction de la dette et du déficit voulu par Sa Majesté après la Grande Guerre d'Occident !

Il s'était un peu enflammé, levant les bras et scandant cette phrase comme un slogan dans une réunion politique de campagne. Il poursuivit :

- Certes, je dois le reconnaître, pour la première fois depuis plusieurs années, les dépenses publiques, toutes administrations publiques confondues, augmenteront plus vite, en 2716, que la croissance économique. Mais ceci n'est pas lié à des dépenses de fonctionnement ordinaires, mais bel et bien pour des raisons de développement et d'administration du territoire qui étaient prévues de longue date. Ainsi, deux des postes budgétaires qui se voient le plus croître sont le ministère des Affaires administratives pour près de 70 millions de plus que l'année dernière, et près de 35 millions au ministère des Ponts & Chaussées. C'était une nécessité, tant pour le développement de nos infrastructures, grâce auxquelles nous aurons une croissance potentielle plus élevée, mais aussi pour pouvoir mieux administrer le pays, alors même que les évènements de la Marche et ses débordements sur la préfecture de Veledris en ont montré la grande nécessité.

Il s'arrêta un court instant. Le Sénat semblait l'écouter attentivement, cette fois, bien que, visiblement, certains sénateurs n'étaient pas d'accord. Mais il sentait que la majorité l'était :

- Mais cette hausse des dépenses plus rapide que la croissance, c'est aussi pour un impératif de défense de l'Empire, de ses frontières, de ses intérêts, avec de nouveaux investissements, et des dépenses d'intervention probables étant donnée l'instabilité du monde : plus de 250 millions de sesterces supplémentaires seront affectés au ministère de la Guerre l'année prochaine, soit plus de la moitié de la hausse des dépenses ! Sa Majesté est parfaitement consciente que son premier devoir est de veiller à l'intégrité territoriale de l'Empire et à son rang dans le monde et ce budget en est la traduction !

Ça, c'était pour les ultras et les conservateurs militaristes...

- De plus, je ne vous rappellerai évidemment pas que, bien que très faible, il faut tenir en compte aussi de l'inflation, qui fait mécaniquement augmenter les dépenses, sans qu'on y soit pour quelque chose. J'entendais des critiques sur la hausse des dépenses du ministère de la Maison de l'Empereur. C'est d'un ridicule ! Cette hausse est très faible, moins de 25 millions, et nécessaire : il n'y a pas que le palais Ceronine II à entretenir, mais d'autres villégiatures en province, et tout un personnel, sans oublier la cour et les services des grandes dignités. Par ailleurs, je ne vous ferai pas l'affront de vous rappeler que Sa Majesté s'est montrée très active, notamment à l'international, et le sera certainement encore en 2716, et que tous ces déplacements ont un coût auquel il nous faut bien parer.

Hop, dans les dents des progressistes et de l'aile gauche modérée !

- Au final, tous les ministères voient leur budget augmenter, y compris les Affaires sociales et l'Université impériale, mais pas plus que le nécessaire, comme c'est le cas ailleurs. L'argent de l'État est celui créé par les Belondaures, issu de leur labeur. C'est le produit de leur travail. Il ne nous est pas possible, nous n'avons pas le droit de le gaspiller dans de vaines politiques qui n'auront comme résultat que de flatter le fâcheux penchant humain pour l'oisiveté ou qui pourraient mettre en danger l'ordre social et moral de notre nation. Ainsi, l'objectif de ce budget, c'est le maintien du rang du Belondor dans le monde, c'est la poursuite du développement de l'Empire, une administration toujours plus efficace et c'est la neutralisation la plus forte possible de l'inflation pour avoir une croissance saine, certes mesurée, mais fondée sur des bases solides et pérennes. Une croissance lente mais durable. Je vous remercie !

Le Sénat semblait convaincu. La majorité des modérés et conservateurs applaudissaient. Voilà qui serait suffisant pour obtenir, très certainement, une majorité des deux-tiers pour ce budget. Tout du moins l'espérait-il.

Le projet de loi de finances pour l'année 2716 était aussi ambitieux que le discours de l'Architrésorier de l'Empire, chargé de le défendre. Dans les rangs modérés, beaucoup attendaient l'arbitrage de leur président sur la question ; HMDP n'était-il pas le Gouverneur de la Banque impériale et pressenti pour succéder à Charles Marksane à sa charge ? La question était aussi épineuse politiquement qu'économiquement.

Effectivement, la politique de déflation voulue par l'Empereur et ressentie dans cette loi de finances serait un tournant pour l'Empire : rejeter ce document reviendrait à contredire Nabelnine II. A l'inverse, soutenir le document revenait à conforter Charles Marksane dans son rôle... mais ce dernier n'était-il pas suffisamment compromis ? Les soutiens d'Henri-Maxime tenaient à ce que les modérés soient derrière l'Empereur.

En conséquence, HMDP, agissant ès qualité de président de groupe, annonça au cours d'une brève intervention que son parti soutenait le projet de loi de finances en son état actuel et qu'il défendait la position économique de l'Empereur.

» Vote solennel portant sur le projet de loi de finances pour l'année 2716
» Session d'étude de la proposition de sénatus-consulte portant liberté d'association pour les travailleurs et les employeurs
» Loi de finances pour l'année 2716
» Session d'interpellation du gouvernement concernant le Skotinos
» Session d'étude de la proposition d'adresse à Sa Majesté l'Empereur