Session d'interpellation du gouvernement concernant le Skotinos

Les sénateurs avaient déposé une demande d'interpellation du gouvernement auprès de la présidence du Sénat, assurée dans les faits par le Grand Maître de l'Empire, le duc d'Albes et comte de Salignac Armand de La Croix, à propos des évènements du Skotinos. Mais voilà que, au moment où la date de cette interpellation avait été fixé, la situation avait évolué. À tel point que les sénateurs avaient eu la surprise d'apprendre qu'une partie de la marine impériale était déjà en route pour le Continent de Fanz au moment où le gouvernement allait répondre à leurs questions...

- Il serait vraiment temps de dépoussiérer ce droit d'interpellation, disait un sénateur modéré à un de ses amis conservateurs. Je ne vois même pas pourquoi on dépose une demande auprès de la présidence du Sénat, à dire vrai. Rien ne l'oblige dans la Constitution. Du coup, nous sommes largués par rapport à la requête originelle... J'imagine quand même qu'on va tenir compte de l'évolution de la situation dans la réponse qui nous sera adressée...
- Vous savez, je suis d'accord avec vous, en fait, répondit le sénateur conservateur. Le droit d'interpellation perd tout son sens avec cette pratique de la requête auprès du président. Si l'on souhaite interpeller le gouvernement, on l'interpelle, et point !

Pendant qu'ils discutaient, le Grand Maître et président in officio du Sénat prit sa place à la présidence et fit débuter la séance :

- Excellences, messieurs les ministres, messieurs les sénateurs. L'ordre du jour est l'interpellation du gouvernement à propos de la situation en Skotinos, et plus généralement, le Continent de Fanz. La parole est à son excellence le Connétable et Architrésorier de l'Empire, monsieur Charles Marksane.

Toujours austère et engoncé, dans un costume typique des fonctionnaires de l'Empire, c'est le Connétable et Architrésorier de l'Empire Charles Marksane qui se leva donc, afin de répondre aux questions des sénateurs suscitées par la situation internationale et la mise en difficulté de la paix internationale par l'Empire de Laurasie. Pourtant, au lieu de dégager la politique gouvernementale, comme on s'y attendait, le Connétable sortit un papier signé du sceau de l'Empereur. Celui-ci avait un message à faire passer aux membres du Sénat :

- Excellences, messieurs les ministres, messieurs les sénateurs. Je ne vais pas ici vous répondre de suite, Sa Majesté m'ayant demandé de vous lire un message qu'elle a souhaité vous transmettre sur la situation internationale.

Citation :

Messieurs les sénateurs,

Depuis plusieurs semaines, le Skotinos, tombé depuis quelques mois dans l'anarchie, est victime de la plus brutale et de la plus cynique des agressions par l'Empire de Laurasie, d'une invasion méthodiquement préparée, d'une occupation, qui devait tout d'abord être confinée au Meniro et se faire respectueuse des cultes et des droits. Mais, par la suite, l'Empire de Laurasie a manqué à sa parole, tentant d'envahir l'ensemble du Skotinos, avant de ne prétendre prendre l'ensemble du continent fanzien, persécutant ceux qui n'étaient pas catharodoxes, notamment nombre de frères syistes, torturant, pillant, violant, massacrant, terrorisant les populations qui refusaient de se soumettre à sa férule. Aujourd'hui, alors que renaît un État, la République de Skotinos, ses frontières sont toujours violées. Ses villes sont bombardées. Son armée résiste néanmoins héroïquement à l’envahisseur.

La responsabilité du sang répandu retombe entièrement sur le gouvernement de Sa Majesté le Basileus de Laurasie. Le sort de la paix était dans les mains de Henri I^er. Il a voulu la guerre. Le Belondor et ses alliés ont multiplié leurs efforts pour sauver la paix. Jusqu'à il y a peu encore, ils ont tenté une pressante intervention à Byzas pour adresser au gouvernement laurasien un dernier appel à la raison et lui demander l’arrêt des hostilités et l’ouverture de négociations pacifiques entre la nouvelle République de Skotinos et l'Empire de Laurasie. Mais la Laurasie nous a opposé un refus, n'hésitant pas à nous menacer, à nous insulter et à nous traiter avec un mépris comme jamais nous n'avions à en souffrir. Mais voilà rien qui ne pouvait paraître illogique puisqu'elle avait déjà refusé de répondre à tous les hommes de cœur dont la voix s’était élevée ces temps derniers en faveur de la paix du monde.

Sa Majesté le Basileus de Laurasie veut donc la destruction du Skotinos, et avec elle d'une brillante civilisationnelle, multiséculaire, afin de pouvoir assurer avec rapidité sa domination sur le Continent de Fanz et asservir ses populations, avant, peut-être de ne tenter de s'en prendre au reste de l'Archipel et de nous asservir. En nous dressant contre la plus effroyable des oppressions, des tyrannies et des barbaries, en faisant honneur à notre nom, notre devise, nous ne luttons pas seulement pour le Skotinos, mais également pour défendre notre terre, nos foyers, nos libertés. Ainsi donc, comme nous en donne le droit l'article 16 de la Constitution, l'Empire de Belondor entre en guerre avec l'Empire de Laurasie.

Nous avons conscience d’avoir travaillé sans trêve ni répit contre la guerre jusqu’à la dernière minute. Nous saluons avec émotion et avec tendresse nos jeunes soldats, qui vont accomplir maintenant le devoir sacré que nous avons nous-même accompli. Ils peuvent avoir confiance dans leurs chefs, dignes de ceux qui ont déjà mené le Belondor à la victoire. La cause de l'Empire de Belondor se confond avec celle de la justice, du droit, de la civilisation et de l'humanité. Elle est celle de toutes les nations pacifiques et libres. Elle sera victorieuse.

Sénateurs, nous nous adressons à vous mais aussi à tous les Belondaures ! Nous faisons la guerre parce qu’on nous l’a imposée, nous la déclarons parce qu'on nous y a obligé. Nous attendons de tous les Belondaures, de tous les serviteurs de l'Empire et de la Couronne qu'ils soient fidèles à leur serment, qu'ils soient loyaux envers leur patrie et leurs compatriotes, qu'ils persistent dans leur dévouement. Vous associerez tous vos efforts, dans un profond sentiment d’union et de fraternité, pour le salut de l'Empire.

Vive l'Empire, vive le Belondor !

Tout le Sénat applaudissait le Connétable et Architrésorier de l'Empire. En réalité, tout le Sénat applaudissait au message de Sa Majesté l'Empereur qui allait être diffusé dans la presse, notamment Le Globe. Toute la nation semblait faire bloc derrière son souverain qui avait pris la lourde responsabilité de déclarer la guerre à l'Empire de Laurasie. Il n'y avait là rien que de très logique, sachant à quel point ce dernier s'était montré infidèle à sa parole donnée, infidèle à ses engagements, déloyal et barbare. Lorsque le récent sénateur Philippe Eugestignac prit la parole, il se dit que l'élan patriotique qui venait de pénétrer son corps était visiblement partagé par d'autres. Il se leva alors et demanda la parole, bien qu'il vit alors des ultras, des conservateurs et même des modérés secouer la tête de désespoir à cette initiative. Certainement croyaient-ils qu'il allait s'opposer à la guerre. C'était bien mal le connaître :

- Excellences, messieurs les ministres, mes chers collègues. Aujourd'hui, Sa Majesté a pris une décision grave, celle de déclarer la guerre à l'Empire de Laurasie. Je ne puis que soutenir une telle décision tant la Laurasie s'était mise au ban des États, de la civilisation et de l'humanité !

Il avait terminé cette phrase en criant et nombre de sénateurs furent surpris de son positionnement. Ils l'applaudirent poliment :

- Sa Majesté a pris ses responsabilités, a fait son devoir, son devoir sacré, ce que nos soldats vont désormais accomplir avec fierté, avec détermination et ceci jusqu'à la victoire finale qui ne saurait nous échapper. Ce n'est pas tant à la Laurasie que nous faisons la guerre qu'à son souverain tyrannique, Henri I^er de Lascaris. C'est lui et lui seul qui est responsable de la guerre. C'est lui qu'il nous faut abattre ! Et cette mission, il ne fait aucun doute que nos soldats la rempliront avec succès. Vive l'Empire et vive le Belondor !

Samuel avait surpris son monde et il fut très largement et vivement applaudit par les sénateurs.

L'Archichancelier et Grand Électeur de l'Empire n'était pas encore arrivé alors que la session avait été ouverte par le président in officio et que la lettre à l'attention des sénateurs avait été lu par Son Excellence Charles Marksane, et pour cause ! La décision de déclarer la guerre à la Laurasie et l'envoi de la Marine impériale à destination du continent fanzien remettait totalement en cause l'annexion de la Sorabe initialement prévue pour le mois .... Dès lors, il avait fallu donner l'ordre de retarder une partie des préparatifs et réorganiser les services de la Grande Dignité et les ministères sous sa tutelle en conséquence.

Etzel Calpunien entra dans l'hémicycle par une porte se trouvant derrière la tribune du président, alors même que le sénateur Verinnes d'Hersant était applaudi par les travées bondées. Sans le vouloir, le duc de Varsalance profita de l’effervescence dans laquelle se trouvait le Palais Marmont. Lui qui, le premier à avoir pris la plume en Belondor pour s'opposer directement et nommément à Sa Majesté le Basileus de Lauraise, Henrier I^er de Lascaris, prenant de court toute la diplomatie et jusqu'à l'Empereur en personne et risquant une lourde sanction impériale, apparaissait enfin parmi l'honorable assemblée.
Une ovation lui fut réservée, partie de ses soutiens de l'Unimod et brisant tous les clivages politiques. L'union nationale avait été trouvée pour la seconde fois depuis le début de la législature sur une question militaire d'ordre militaire après la décision d'envahir la Marche.

Acclamé pendant près d'une minute et sollicité pour prendre la parole, Son Excellence Calpunien quitta la place qu'il venait de prendre dans la première rangée de sièges pour aller rejoindre la tribune. Dès lors le calme revenu et non sans épier du regard son estimé collègue Charles Marksane, il prit la parole.

" Monsieur le Président, Excellence, messieurs les ministres, messieurs les sénateurs, mes chers collègues.

Aujourd'hui, l'Empire de Belondor a prouvé une fois encore qu'il avait pleinement conscience des responsabilités qui l'engageaient à l'endroit des peuples de l'Archipel. En déclarant la guerre à Sa Majesté le Basileus de Laurasie, Sa Majesté Nabelnine II a agi dans le sens de notre Constitution impériale, pour la protection et la défense de ceux qui n'ont pas la chance de connaître l'ordre et la paix. D'ailleurs, le peuple laurasien lui-même est victime de la folie de son souverain.
C'est donc dans une volonté pacificatrice que notre Nation a été appelée à combattre Henri I^er de Lascaris et son armée. Assurément, nos soldats rempliront avec ardeur la mission qui leur a été confiée.

Si ce n'est qu'au prix du sang que nous parviendrons à restaurer la paix universelle, le Belondor doit pourvoir à ce sacrifice nécessaire. Pour autant, il importe que chacun garde à l'esprit que notre Marine et la Légion Étrangère seront ceux qui paierons effectivement cette dette à notre place. Il est de notre devoir d'honorer leur bravoure en contribuant à l'effort de guerre et en soutenant infailliblement ceux qui mourront pour cet idéal de paix.

Lorsque vous rentrerez dans votre circonscription, interpellez nos concitoyens sur la nécessité de l'intervention de l'Empire sur le continent fanzien, invitez-les à s'occuper des pupilles de notre Nation, conviez-les à souscrire à des dons auprès du Ministère de la Guerre. Cette guerre ne sera pleinement gagnée que si l'ensemble du Belondor y prend part.

Des centaines de navires de la Marine impériale et des milliers de soldats portant avec fierté l'uniforme de l'Empire se battent à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres. Offrons-leur le soutien nécessaire, aidons-les à faire plier le Basileus laurasien et à offrir au continent fanzien l'ordre et la paix !

Gloire à l'Empereur, gloire à l'Empire, gloire au Belondor ! "

Dans les rangs modérés, tout le monde semblait soutenir cette intervention militaire visant à libérer le Skotinos et le Méniro. Seulement, de nombreuses voix s'élevaient contre la gestion calamiteuse de ce dossier par la Connétablie de l'Empire et par ses ministères sous tutelles. Le président du groupe modéré au Sénat, le comte Henri-Maxime de Porhoët en faisait partie et c'est lui qui prit la parole après que l'Archichancelier et Grand-Électeur de l'Empire eut le droit à plusieurs minutes d'applaudissements.

Monsieur le Président, Excellences, messieurs les ministres, messieurs les sénateurs, mes chers collègues. Nous ne pouvons qu'encourager et soutenir nos soldats partis pour le continent fanzien. Le Méniro et le Skotinos méritent d'être libérés du joug tyrannique d'Henri I^er de Lascaris. Aujourd'hui, il ne peut en être autrement... mais qu'on fait hier la Connétablie de l'Empire et le ministère des Affaires extérieures, lorsque les armées laurasiennes n'avaient pas encore envahi le Skotinos ?

Excellence, monsieur le ministre, la voie diplomatique semble avoir failli. J'oserai même dire qu'elle a été largement insuffisante alors qu'il y avait péril en la demeure : comment se fait-il que notre ambassadeur en Laurasie n'ait rien vu, rien perçu ? comment se fait-il que Son Excellence Albain de Jafien soit rentré du Skotinos quelques jours seulement avant que la guerre ne soit déclarée sur le continent fanzien ? était-ce une fuite délibérée de sa part ? a-t-il reçu des ordres de votre part plutôt que de poursuivre sa mission diplomatique ?

Plusieurs sénateurs crièrent : c'est vrai, il a raison ou encore oui, qu'avez-vous fait ? HMDP conclut alors.

Tout ce qu'il y a à espérer c'est que cette guerre soit remportée par les forces coalisées sans que l'Empire de Belondor n'ait à connaître trop de pertes. Mais, Excellence, monsieur le ministre, lorsque la guerre sera terminée, vous devrez de nouveau rendre des comptes devant cette assemblée et prendre toutes vos responsabilités !

Une clameur s'éleva des rangs modérés jusqu'à l'autre extrémité de l'hémicycle. L'insuffisance et l'inconsistance de Charles Marksane et d'Alexandre Lefebvre devaient être sanctionnées.