Guerre du Skotinos - l'opération « Aigle courroucé »

L'amiral eut l'air quelque peu décontenancé par le propos de la Basilissa-mère. Il décida donc de mettre les choses au clair :

- Entendons-nous bien, Votre Majesté. Il s'agit là d'un acte de capitulation, non pas d'un traité de paix. Celui-ci aura lieu plus tard, certainement lors d'un congrès rassemblant l'ensemble des parties. Vous et l'ensemble des troupes présentes dans la citadelle vous êtes rendus aux troupes de l'Empire de Belondor au moment où vous appeliez vos soldats à déposer les armes. Il n'apparaît pas possible d'attendre les autres membres de la coalition pour que vous capituliez. Si vous refusez de capituler dès à présent, nous considérerons que la guerre se poursuit et vous serez considérez comme étant nos prisonniers, y compris le Basileus...

L'amiral se faisait très menaçant. Jusqu'au moment où un subalterne lui transmit un message. Après avoir prit connaissance, il dit :

- On m'informe que le Zollernberg avait commencé l'encerclement de la ville de Byzas au moment où vous avez capitulé. Si vous le désirez, nous pouvons attendre que le commandant en chef du corps expéditionnaire zollernois puisse être présent pour que vous signez l'acte de capitulation ? Ainsi, nous aurons deux représentants de la coalition représentés ici.

Alors qu'il discutait avec ses subalternes, l'amiral Albérian de Bonzius fut apostrophé par la Basilissa-mère. Laconique, il répondit à son souhait en disant :

- Votre Majesté, nous faisons aussi vite que possible. Mais c'est vous qui avez, bien légitimement, souhaité la venue du plénipotentiaire zollernois. Nous l'attendons donc...

Se retenant d'afficher un rictus, il dit, tout en prenant un de ces gâteaux au miel qu'il trouvait exquis :

- Vos troupes seront mises au courant, dès l'acte de capitulation signé.

Lorsque le major-général Erich von Wolfenbüttel, commandant en second « Corps expéditionnaire de Son Altesse Royale en Parranie », également appelé « CESARP » par les Zollernois eut terminé ses présentations à la Basilissa-mère, l'amiral Albérian de Bonzius s'avança au devant de lui, avec le sourire aux lèvres. Il s'agissait de se montrer amical avec un des plus proches alliés de l'Empire de Belondor. Certes, il y avait eu une sorte de compétition entre les Belondaures et les Zollernois, mais au final, les deux armées étaient présentes pour recevoir la capitulation laurasienne :

- Major-général von Wolfenbüttel, commença-t-il. Permettez-moi de me présenter : amiral Albérian de Bonzius, commandant en chef du corps expéditionnaire belondaure et commandant de la I^e flotte de la Marine impériale. Je suis accrédité ici même en tant que plénipotentiaire extraordinaire de Sa Majesté Très-Syiste, l'Empereur de Belondor Nabelnine II. Félicitations pour votre percée en pleine Laurasie... on dit que vous avez parcouru plus de 100 kilomètres en une journée. Est-ce vrai ? Les Zollernois sont des marcheurs exceptionnels, ma foi ! Et des grands soldats.

Il espérait que ce compliment permettrait de détendre l'atmosphère alors que, assurément, les Zollernois devaient être quelque peu contrariés de s'être faits griller la politesse, les Belondaures ayant choisi de débarquer directement à Byzas afin de faire un coup d'éclat. Un coup d'éclat qui avait réussi bien mieux qu'ils ne l'avaient imaginé puisque, conjugué au siège de la ville par le Zollernberg, il avait entraîné ce qui serait bientôt la capitulation laurasienne, alors qu'il ne s'agissait au départ que d'une manœuvre de diversion. Et les Belondaures avaient été les premiers surpris de l'annonce de la reddition de la citadelle impériale, alors même qu'ils s'attendaient à un dur combat.

Lorsque chacun s'assit à sa place autour de la table des négociations, l'amiral Albérian de Bonzius se permit de présenter la proposition de capitulation esquissée par l'Empire de Belondor – sans être encore formalisée comme il se devait – et acceptée par l'Empire de Laurasie, si ce n'est la période d'occupation que la Basilissa-mère souhaitait diviser par deux :

Citation :

I – Les clefs de la ville de Byzas seront remises dans les mains de l'amiral Albérian de Bonzius, plénipotentiaire extraordinaire de Sa Majesté Très-Syiste, l'Empereur de Belondor Nabelnine II, de manière à signifier la capitulation de la ville devant les forces armées de l'Empire de Belondor. La ville restera occupée par l'Empire de Belondor pour une durée de un [1] an, à compter de la signature de la capitulation de l'Empire de Laurasie.

II – Toutes les forces armées de l'Empire de Laurasie, aussi bien terrestres que navales, y compris leurs chefs, déposeront armes et drapeaux et se constitueront prisonnières auprès des forces armées de la coalition les plus proches de là où elles se situent. Elles seront traitées convenablement, avec humanité et dignité, notamment pour les blessés. Les morts bénéficieront d'une sépulture digne.

III – Le Basileus Konstantinos renoncera, pour lui et ses successeurs, à tout projet d'expansion territoriale entraînant un recours à la force et renoncera à jamais à toute prétention sur le Meniro, le Skotinos et l'ensemble des terres non-laurasiennes du Continent de Fanz.

IV – L'Empire de Laurasie procédera à la remise de l'ensemble de son artillerie et de sa flotte auprès des forces armées de la coalition les plus proches de là où elles se situent, exception faite des navires légers affectés à la surveillance côtière. L'artillerie sera fondue et la flotte détruite.

V – Le territoire de l'Empire de Laurasie, exception faite de Byzas, sera occupée par l'ensemble des forces armées de la coalition pour une durée de un [1] an, à compter de la signature de la capitulation de l'Empire de Laurasie.

- Effectivement, et il doit en aller de même pour les ressortissants de tous les pays ayant participé à la coalition, fit valoir l'amiral de Bonzius à propos de la libération des ressortissants zollernois.

Puis, concernant l'offre d'organiser la conférence de paix en Belondor, l'amiral Albérian de Bonzius, répondant au clin d'œil de son homologue zollernois avec un sourire malicieux répondit :

- Eh bien, ma foi ! On parlait de rumeurs comme quoi l'Union fédérale d'Armara se positionnait déjà pour celle-ci... mais il est vrai que ce sont le Belondor et le Zollernberg qui jouèrent le rôle décisif et qui sont légitimes pour l'organiser. Et si nos amis du Zollernberg passent leur tour... Je vais en parler à Sa Majesté qui, je l'imagine, se fera une joie de vous recevoir de nouveau.

Il n'y avait aucune rancune chez les Zollernois envers les Belondaures. Après tout, c'était à eux que revenait la gloire et l'honneur de s'être élevés les premiers contre la barbarie d'Henri I^er. Personne ne pourrait leur enlever cela et personne ne l'oublierait dans les livres d'histoire. Le Belondor, lui, était juste arrivé le premier à Byzas.

Quoi qu'il en fut, c'était fini. La guerre était finie. La paix allait pouvoir revenir. Oh, la guerre n'avait pas été longue, mais elle avait été particulièrement dure, cruelle, coûteuse en vies humaines et en destructions matérielles. Pas tant pour le Belondor et ses soldats, que pour le Skotinos et les Skotinecs et la Laurasie et les Laurasiens. On avait changé de dimension avec cette guerre. C'en était terminé des guerres peu ou prou loyales, où l'on s'affrontait en rase campagne afin d'obtenir le dessus sur les forces de l'adversaire par de savantes manœuvres de tactique militaire. Non, désormais, la guerre n'était plus qu'une grande hécatombe, où deux armées se jetaient l'une sur l'autre dans un immense choc frontal, faisant nombre de morts et de blessés, où une force militaire tentaient de prendre une ville en la bombardant comme jamais avant de passer à l'assaut et de combattre maison par maison. Les civils étaient ainsi devenus un objectif comme un autre. La guerre en dentelles était définitivement passée de mode, c'était désormais la guerre totale, il n'y avait qu'à voir les ruines de Byzas.

À l'annonce de la capitulation laurasienne, ce fut une immense clameur qui s'éleva des rangs belondaures. Même si la plupart des soldats présents ici étaient des professionnels et non des conscrits étant donnée leur arme, ils étaient heureux d'en finir, car il n'y avait pas beaucoup d'honneur et de gloire à aller chercher dans cette guerre. Oh ! Il était certain qu'ils seraient fêtés en héros de retour en Belondor, mais il y avait fort à parier que les images de Byzas en flammes puis en cendres les hanteraient encore pendant longtemps, tant elles rappelleraient à certains qu'il n'y a pas si longtemps, à peine huit ans en fait, il faillit en être de même pour Elbêröhnit lors de la Fronde. Mais en attendant, on sortait le vin, on festoyait, on fraternisait avec les soldats zollernois qui avaient débuté le bombardement de la ville par la terre au moment où la Basilissa-mère souhaitait engager des pourparlers de capitulation. Cette victoire sur la Laurasie, c'était peut-être et avant tout une victoire de la Triple-Alliance qui allait bientôt s'élargir et changer de nom avec l'arrivée de l'Aldarnor en son sein, tant le rôle du Belondor et du Zollernberg avait été décisif dans l'obtention rapide de ce succès militaire.

- Vice-amiral Vellerinus, fit l'amiral Albérian de Bonzius. Envoyez un télégramme à Sa Majesté : la Laurasie a capitulé, nous avons gagné, la guerre est finie et le Zollernberg propose que la conférence de paix soit organisée en Belondor.

Restait justement à la gagner cette paix.

L'amiral de Bonzius relut le texte modifié :

- Nous n'avons aucune objection. Il nous convient, dit-il en utilisant, non pas le « nous » de majesté – seul l'Empereur y était autorisé – mais celui d'un représentant d'une nation entière.

Alors, il parapha le document en tant que témoin. L'acte de capitulation de la Laurasie était signé.